Le voyage en Uruguay

L’histoire

Au début des années 1950, la famille Caorsi, riches éleveurs uruguayens, se rend en France pour y trouver des spécimens bovins susceptibles d’améliorer la capacité laitière de son troupeau. Son choix s’est arrêté sur la race normande, bien connue pour la richesse de son lait et la finesse de sa viande. Après avoir parcouru la Normandie du Cotentin au Pays de Caux, sans toujours recevoir un accueil des plus chaleureux, les Caorsi se rendent finalement à la Ferme Neuve, élevage réputé où l’on vient d’inaugurer une étable modèle et où l’on pratique les premières inséminations artificielles. Ici tout est à vendre, même les meilleurs reproducteurs. La discussion est brève et l’affaire vite conclue : trois taureaux et deux vaches quitteront les herbages clos de Beaumontel pour la pampa uruguayenne.

C’est là que l’histoire commence … Cette histoire que j’ai si souvent entendue étant enfant et que l’on m’a racontée comme on raconterait l’odyssée d’Ulysse ou le voyage de Magellan.

Après le départ des Caorsi, il est temps pour mon grand-père d’organiser l’acheminement des bêtes. Il charge son jeune cousin Philippe, âgé de vingt ans et dont les connaissances en géographie se bornent alors aux noms des villages du plateau du Neubourg, de les accompagner et de veiller sur elles jusqu’à leur arrivée en Amérique du Sud. Au petit matin, les trois taureaux, les deux vaches et leur jeune vacher, prennent le train en gare de Romilly-la-Puthenaye pour gagner le port de Rotterdam. Là, ils embarquent à bord d’un cargo sur le pont duquel les marins et le vacher ont installé tant bien que mal d’improbables baraquements qui tiendront lieu de stabulations aux bêtes durant la traversée. Bientôt le capitaine donne l’ordre de larguer les amarres. Sur le pont, Philippe, casquette vissée sur la tête et buste droit, regarde s’éloigner les docks avec l’inconsciente fierté d’un jeune soldat. Sur le quai, mon grand-père regarde partir ses vaches pour l’autre bout du monde.

En 1989, mon grand-père disparaissait, non sans m’avoir raconté une dernière fois « le voyage en Uruguay ». Depuis longtemps, l’étable était vide. J’avais pris l’habitude d’y faire du vélo en slalomant entre les cases désertes : Navette, Kalipette, Nacelle, Framboise, Pirouette, Navaraise, Ratissoire … et puis Totem, Coriolan, Serpolet, Louvois … Je connaissais les noms par cœur. Je m’amusais à compter les veaux (qui n’étaient plus là depuis longtemps) au nombre d’anneaux sous la sous-elle.

Philippe est maintenant un vieux monsieur aux faux airs de Jean Gabin qui continue de me raconter « le voyage en Uruguay » lors de nos déjeuners dans la petite auberge de Tourouvre où il a ses habitudes. Il me raconte les larmes de sa mère sur le qui de la gare, le bateau, Robespierre et Osiris dormant dur le pont, les passagers éberlués, le vêlage en mer, le passage de l’Equateur, Recife et le goût de l’ananas pour la première fois, l’arrivée enfin ….

J’ai tout noté. Depuis des années. Je ne sais plus très bien ce qu’est la vérité. Je sais simplement que c’est une belle histoire intitulée Le Voyage en Uruguay.

Clément Hervieu-Léger

Le voyage

Après la comédie classique avec L’Epreuve et la tragédie moderne avec Yerma, nous avions envie de clore ce cycle consacré aux représentations du monde rural au théâtre en nous confrontant à la fois à une écriture contemporaine et au cadre particulier du « seul en scène ». Plutôt que de chercher un texte déjà existant, nous avons décidé de porter à la scène un fragment de l’histoire de cette étable où la Compagnie s’est installée lors de sa création en 2010.

Cette histoire c’est d’abord l’histoire d’un voyage, une aventure épique qui nous conduit de la Normandie jusqu’à Montevideo et nous fait rencontrer une série de personnages aussi différents qu’un capitaine de bateau, un gaucho uruguayen ou une mère en pleurs sur un quai de gare.

« Etre un et multiple » : c’est l’une des questions principales de l’acteur seul en scène. C’est une expérience singulière et décisive pour un comédien que j’ai moi-même eu l’occasion d’éprouver en jouant plus d’une centaine de fois 3 semaines après le paradis d’Israël Horovitz. Pour Le voyage en Uruguay, il était évident pour moi de proposer ce rôle, ou ces rôles, à Guillaume Ravoire aux côtés duquel j’ai joué de nombreuses fois.

La scénographie et les lumières doivent permettre au spectacle de s’adapter à des théâtres différents comme à des lieux qui ne sont pas a priori destinés à la représentation.

Il s’agit d’embarquer ensemble sur ce bateau afin de tenter la traversée à notre tour …

Daniel San Pedro

L’EQUIPE

Mise en scène : Daniel San Pedro
Texte: Clément Hervieu-Léger

Avec :
Vincent Breton

Scénographie : Aurélie Maestre
Costumes : Caroline de Vivaise
Lumières : Alban Sauvé
Réalisation sonore : Wilfrid Connell

Création le 26 novembre 2014 au CNCDC de Châteauvallon

Production : La Compagnie des Petits Champs

La Compagnie des Petits Champs est conventionnée par la DRAC Normandie – Ministère de la Culture et de la Communication, la Région Normandie, du Département de l’Eure, l’Intercom de Bernay Terres de Normandie et de l’Odia-Normandie.

Coproduction: Châteauvallon-Scène Nationale

En partenariat avec le French Theater Festival-Princeton University-USA.

Avec le soutien du Théâtre de Suresnes – Jean Vilar, du CCN d’Aquitaine – Malandain Ballet, du Théâtre 13-Paris et C.I.C.T. / Théâtre des Bouffes du Nord

Avec le soutien de la Mairie de Paris pour la reprise au Théâtre du Lucernaire.

Crédits photographiques : Juliette Parisot http://www.julietteparisot.com/

Le Voyage en Uruguay a été présenté dans le cadre de l’Exposition Universelle de Milan.

Le Voyage en Uruguay a été labellisé par le Festival Normandie Impressionniste 2016.

REVUE DE PRESSE

« Un petit bijou ciselé avec des mots simples, où la pureté des sentiments le dispute à l’innocence de l’épique. » — LES INROCKS

« Le Voyage en Uruguay nous parle juste et franc de ces hommes qui ont les pieds sur terre et du vague à l’âme » — LES ECHOS

« Daniel San Pedro met en scène ce spectacle pudique, drôle et émouvant, qui ressuscite un monde rural, une époque et des personnages disparus » — LE JDD

« Un joli spectacle avec Guillaume Ravoire, absolument lumineux en scène » — FRANCE CULTURE

« Seul en scène, Guillaume Ravoire navigue avec un tendre brio. » — LIBÉRATION

« L’unique acteur, Guillaume Ravoire, est ainsi d’une virtuosité exemplaire, au milieu d’un décor de bois habile qu’on devine transportable de ferme en ferme. » — TELERAMA SORTIR

« Un très joli moment de jeu, d’émotion et de rire. » — FIGAROSCOPE

Découvrez la revue de presse du spectacle.

Reportage JT 19/20 France 3 Normandie :