Le Pays lointain

LOUIS

– Le voyage d’un homme jeune à l’heure de sa mort, regardant tout ce que fut sa vie –

aller revoir les lieux sans intérêt où je vivais lorsque j’étais plus jeune, et où j’avais promis, en effet, où j’avais promis de ne jamais revenir

– j’étais tout seul, il faut entendre, j’étais tout seul, à me défaire –

je décidai de revenir sur mes pas, je me suis dit cela et je suis parti, je me suis mis en route, aller surs mes traces et refaire le voyage

– c’est l’histoire d’un voyage, l’histoire d’un homme jeune et de son voyage –

NOTE D’INTENTION

Ce sont Molière et Marivaux qui m’ont naturellement conduit vers le théâtre de Jean-Luc Lagarce. Lagarce qui, s’il n’avait été emporté par la maladie, aurait aujourd’hui 58 ans. Pourquoi cet auteur contemporain nous apparaît-il comme un auteur « classique » – entendons ici le terme « classique » comme la seule reconnaissance d’une appartenance à un corpus partagé constitutif de notre identité commune – ? Pour la beauté de sa langue, bien sûr, qui emprunte autant à la métrique racinienne qu’à la conversation courante. Mais peut-être plus encore parce que Jean-Luc Lagarce nous permet de raconter notre propre génération, indépendamment de la date d’écriture de ses pièces. Certes, le théâtre de Lagarce est profondément ancré dans ce qu’on appellera tristement plus tard les « années sida » mais il ne se réduit pas au témoignage circonstancié d’une période donnée. Louis, comme Alceste ou Lucidor, nous interroge sur nous-même : que veut dire vivre lorsqu’on est encore jeune et que l’on sait qu’on va mourir demain ? Je n’ai pas connu cette période à la fois sombre et folle des années 80 où l’on jouait, sans le savoir, avec l’amour et la mort. Mais j’ai aujourd’hui l’âge de Louis.

Je me souviens de cet ami fêtant avec incrédulité ses trente-trois ans, persuadé depuis l’enfance qu’il n’atteindrait jamais cet âge. Son père était mort à trente-trois. Lui n’avait alors que neuf ans.

Je me souviens d’un soir de Noël au théâtre où, après la représentation, nous avions organisé une petite fête entre nous. Nous nous offrions des cadeaux. Nous nous sentions « en famille ». Une famille choisie où chacun tenait son rôle : qui la mère, qui le frère ou la sœur.

Je me souviens des mots de Patrice Chéreau pendant que nous répétions Rêve d’Automne au Musée du Louvre : « Les êtres aimés sont eux aussi des fantômes, mes fantômes – vivants : ils disparaissent, ils réapparaissent parfois. Ils me hantent et m’habitent, je les convoque tous les jours. »

J’ai, moi aussi, mes fantômes. Mes souvenirs. Et mes obsessions. Celles que je ressasse d’un spectacle à l’autre. Il y a la nostalgie. La nostalgie n’a rien à voir avec la simple tristesse. C’est une forme de mélancolie causée par l’éloignement du pays natal. C’est un regret attendri, un désir vague. La douleur de l’impossible retour. C’est un rapport au temps. La nostalgie n’est pas la réaction, elle est le propre de la condition humaine. Monter Le Pays Lointain dans son intégralité nous oblige à interroger et accepter cet autre temps fait de longueurs, de langueur, d’ellipses et de brusques fulgurances. C’est faire du théâtre le lieu même du mouvement introspectif et du questionnement nostalgique. Chacun a son pays lointain. Ainsi le théâtre de Lagarce nous permet de convoquer nos fantômes pour raconter notre propre histoire.

Ils se retrouveraient sur une aire de stationnement, un de ces parkings qui bordent les routes nationales où les familles s’arrêtent pour pique-niquer à l’heure du déjeuner et où des hommes se retrouvent une fois la nuit tombée.  Un lieu de passage où tout s’échange : les paroles comme les silences. Ils se seraient donner rendez-vous là.

Il me fallait réunir pour ce projet une distribution avec laquelle je partage une véritable intimité. Il me fallait composer une famille. La plupart des acteurs rassemblés ont ainsi déjà travaillé avec la Compagnie des Petits Champs. L’esprit de troupe est central dans l’œuvre de Jean-Luc Lagarce. Il allait de soi que Loïc Corbery qui a été Alceste et Lucidor incarne Louis.  Loïc a des faux-airs d’Hervé Guibert. C’est aussi ce qui me plaît. Je ne crois pas, en effet, qu’il faille considérer le personnage de Louis par le seul prisme de la biographie de Lagarce. Je crois, au contraire, qu’à l’instar des grands rôles du répertoire, il est une figure à reconstruire à chaque mise en scène. L’auteur du Mausolée des amants est ainsi pour moi une source d’inspiration majeure. Son rapport au désir et sa relation aux autres éclairent autrement le texte de Jean-Luc Lagarce. Il fait planer sur Le Pays lointain les souvenirs d’une autre « famille », celle qui se réunissait rue de Vaugirard autour de Michel Foucault.

Pourquoi le théâtre de Lagarce fait aujourd’hui parti de « nos classiques » ? Peut-être simplement parce qu’il répond à cette définition de Charles Garnier : « est classique tout ce qui se construit ».

Clément Hervieu-Léger

L’EQUIPE

Mise en scène Clément Hervieu-Léger
Scénographie Aurélie Maestre
Costumes Caroline de Vivaise
Lumières Bertrand Couderc
Musique Pascal Sangla
Réalisation sonore Jean-Luc Ristord
Maquillage / Coiffure David Carvalho Nunes
Assistante à la mise en scène Frédérique Plain

Avec
Louis Loic Corbery de la Comédie-Française
Longue Date Vincent Dissez
L’Amant mort déjà Louis Berthélemy
Un Garçon, tous les garçons François Nambot
Le Guerrier, tous les guerriers Daniel San Pedro
Le Père, mort déjà Stanley Weber
La Mère Nada Strancar
Antoine Guillaume Ravoire
Suzanne Audrey Bonnet
Catherine Aymeline Alix
Hélène Clémence Boué

Production déléguée La Compagnie des Petits Champs

La Compagnie des Petits Champs est conventionnée par la DRAC Normandie – Ministère de la Culture et de la Communication et reçoit le soutien de la Région Normandie, du Département de l’Eure, et de l’Odia-Normandie.

Coproduction Théâtre National de Strasbourg, Châteauvallon – Scène Nationale, Théâtre de Caen, Célestins – Théâtre de Lyon, Scène Nationale d’Albi, L’Entracte – scène conventionnée de Sablé sur Sarthe

Les décors et les costumes sont réalisés par les ateliers du Théâtre National de Strasbourg.

Le Pays Lointain est publié aux Editions Les Solitaires Intempestifs.

REVUE DE PRESSE

« Une mise en scène qui fera date : elle nous mène au cœur même de la nostalgie de l’avenir, ce pays lointain que chacun porte en soi et qui traverse le temps, génération après génération. On a envie de dire merci à l’équipe du spectacle. » — LE MONDE

« Un spectacle limpide, puissant et poignant. Clément Hervieu-Léger prouve à un public touché au cœur que Le Pays Lointain est un grand classique moderne et qu’il est lui même, dans la lignée de Patrice Chéreau, un de nos plus fins metteurs en scène lorsqu’il s’agit de représenter les tourments du cœur et de l’âme. » — LES ECHOS

« Sous des lumières blanches dignes d’un purgatoire glacé, l’aire d’autoroute se transforme rapidement en un parking des anges où chacun a son mot à dire sans crainte des conséquences à venir. Clément Hervieu-Léger transforme la partition de chacun en autant de solos d’exception. La grande force de la cérémonie des adieux orchestrée par le metteur en scène est de témoigner de cette cruauté révélée comme d’un secret enfin partagé. » — LES INROCKS

« Une fresque de vie crépusculaire où dans une infinie délicatesse les morts se mêlent au vivant. Une mise en scène sobre et élégante avec une formidable équipe de comédiens. » — SCENEWEB

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La revue de presse de « le pays lointain »